Semaine Sainte 2024

Homélie de Monseigneur Yves Patenôtre,
Messe Chrismale en la Cathédrale de Châlons-en-Champagne, le 26 mars 2024.  

"C'est une belle dynamique que nous offre cet Évangile de Luc en cette Messe Chrismale. Nous sommes dans la synagogue de Nazareth, un jour de sabbat. Jésus se lève pour faire la lecture. Il déroule le livre qui lui est remis et trouve le passage d'Isaïe où il est écrit : « L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m' a consacré par l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ... ». Tout est là ! « Il m'a consacré par l'onction. » Sans vouloir être pédant .. . « èchrisen » en grec. Nous pourrions traduire : « Il m'a christifié ! » Et nous nous souvenons que c'est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de « chrétiens». « Christianous ». Les christifiés ! ( Ac 11,26).

Oui, c'est une belle dynamique qui nous est offerte en cette page. Parce que si tout semble se dérouler 
« selon l'habitude » comme il est écrit au début de notre texte ... Jésus annonce que c'est ce jour là, 
« aujourd'hui » que ce passage de l'Écriture s'accomplit ! La Parole annoncée se fait réalité. « Le Verbe se fait chair » ! « Aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Écriture que vous venez d'entendre. » Tout allait bien se passer. On avait toujours fait comme cela. Mais ce jour-là, dans la force de l'Esprit, la Bonne nouvelle s'accomplit, se réalise.

« Selon l'habitude » ... « Comme d'habitude » ... « On a toujours fait comme cela ... » Au terme de ce Carême, au moment de fêter la nouveauté de Pâques, nous pouvons bien nous demander si nous ne sommes pas nous aussi laissés enfermés dans nos habitudes au point de ne pas laisser surgir en nous la nouveauté de l'Esprit. Que sont devenues nos résolutions du mercredi des Cendres ... nous nous souvenons de Péguy : « Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme perverse. C'est d'avoir une âme habituée ». (note conjointe sur Monsieur Descartes)

« Nous ne sommes plus en chrétienté ... Le temps que nous vivons n'est pas seulement une époque de changements mais véritablement un changement d'époque », je reprends les mots que le Pape François adressait à la Curie en la fête de Noël 2019. Bien sûr, c'est une infinie tristesse de le constater. Je me souviens, entre autres, des semaines saintes de mon enfance à Piney. C'étaient « les vacances de Pâques » ... Mais alors, que devons-nous réaliser, nous les christifiés, pour proposer la Bonne Nouvelle de Jésus au coeur de ce monde tel qu'il est ? C'est tellement triste de voir tant de jeunes et tant d'autres qui crèvent de soif à côté de la Source ! Leurs rencontres sont le plus souvent virtuelles sur les smartphones.

Au coeur du monde, tel qu'il est, nous voici donc invités, dans la force de l'Esprit, à proposer le Christ et son Évangile : la Bonne nouvelle annoncée aux pauvres. C'est le texte de ce jour. Devenir ce que nous sommes : des christifiés ! Nous n'avons pas tant à être des signes d'Église, mais des signes du Christ. C'est en cela que nous serons l'Église. Où en sommes-nous de notre rencontre personnelle avec le Christ, de la prière au coeur de nos journées, de la méditation de la Parole ? Et puis, parce que c'est incontournable, de la proximité effective avec les pauvres, les captifs. Je les évoquais à l'instant .... les captifs de toutes les modes intellectuelles, commerciales ou médiatiques.

Bien sûr, nous sommes dans un monde de privilégiés. Mais il y a et « il y aura toujours des pauvres parmi nous ... » C'est une grâce de pouvoir rencontrer sur nos routes, en vérité, ces pauvres de toutes sortes qui nous expriment leur richesse et nous révèlent nos pauvretés. Je suis sûr que beaucoup parmi vous sauriez le dire, en actes et vérité. 

J'ai beaucoup apprécié la dernière Exhortation apostolique de notre Pape François sur la confiance à l'occasion du 150 ème anniversaire de la naissance de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face en octobre dernier. En ce jour où nous sommes, dans la diversité de nos vocations de « christifiés », désireux de nous laisser saisir par l'Esprit pour accomplir notre mission, je relève ce passage. Histoire de ne pas nous lamenter mais de nous ré-enthousiasmer grâce à l'Évangile.


« Thérèse nous montre qu'il est beau de faire de sa vie un don. À un moment où les besoins les plus superficiels prévalent, elle est le témoin du radicalisme évangélique ... A un moment de complexité, elle peut nous aider à redécouvrir la simplicité, la primauté absolue de l'amour, la confiance et l'abandon, en dépassant une logique légaliste et moralisante qui remplit la vie chrétienne d'observances et de préceptes et fige la joie de l'Évangile. »

Nous allons continuer notre Messe Chrismale. Le saint Sacrifice de la Messe. C'est le lieu physique, puisque sacramentel, de notre rencontre avec le Christ ressuscité. Jusqu'à ce qu'il revienne dans la gloire. C'est dommage, et plus encore, que des chrétiens n'en perçoivent plus ces temps-ci, pour un certain nombre de raisons, non pas seulement la nécessité, mais plutôt le manque! Nous allons pouvoir reprendre des forces en ce Corps donné et livré par amour. Tous les sacrements, et en premier lieu l'Eucharistie, sont des rencontres physiques avec le Christ. Ce n'est pas tellement nous qui recevons le petit Jésus en notre coeur, mais c'est tout notre être qui est accueilli auprès de Lui dans la gloire de la résurrection auprès de tous ceux qui ont aimé et que nous avons aimés.

Et puis nous allons bénir les huiles. D'abord celle des malades. Dieu sait s'ils sont bien présents dans notre prière ces temps-ci. « Pour soulager le corps, l'âme et l'esprit. » Soyons vraiment les bons samaritains qui ne passent pas à côté. Vous êtes certainement nombreux ici qui vous dépassez, d'une façon ou d'une autre, pour être proches et attentifs à tous et à chacun. Notre monde est en guerre. La violence enflamme peu à peu non seulement notre Europe mais toute la terre. Comment envisager de donner la mort ? Alors que jusqu'à la mort, il s'agit d'accompagner la vie...

L'huile des catéchumènes. Réjouissons-nous de tous ces jeunes et moins jeunes pour qui, justement, le Christ est devenu Quelqu'un au coeur de leur vie. Ils vont être régénérés dans une nouvelle naissance. Pour leur bonheur et la joie des communautés chrétiennes. Puissent-elles bien les accueillir.

Et puis la consécration du Saint-Chrême. L'Huile parfumée de tous les « christifiés » dans la diversité de leurs vocations. Que la bonne odeur de cette huile qui va se répandre parmi nous, réellement, soit une belle image de l'Église au coeur de ce monde. D'où vient ce parfum original au coeur des cités et des campagnes, il apporte une douceur et une sorte de joie de vivre, un parfum ancien avec un je ne sais quoi de nouveauté exigeante mais essentielle qui invite à la rencontre ? Certains disent qu'il vient de loin. Oui, il est sorti d'un Coeur brisé sur une croix pour se répandre ensuite, hors d'un tombeau vide, dans un matin de Résurrection.

Évêque, prêtres et diacres, religieux et religieuses, et nous tous dans la diversité de nos vocations, soyons simplement heureux de redire notre« oui» au Seigneur. Je suis sûr que Mgr Touvet est en communion avec nous en ces jours. Dans l'attente d'un nouvel évêque, nous le gardons dans la communion de la prière. La prière est toujours le lieu de la plus grande communion. Et puis nous sommes dans une communion affective et effective avec tous ceux et celles avec lesquelles nous portons notre responsabilité de disciples-missionnaires, dans la diversité de nos vocations, prêts à accueillir celui que le Bon Berger nous enverra au service de l'annonce de la Bonne Nouvelle.

Amen".

Messe Chrismale - Cathédrale Saint-Étienne

Vendredi Saint : Marche de la Croix

Vigile Pascale - Châlons Centre

Dimanche de Pâques

Photo : Loïc Markt, Lorena Andréa Reyes et Gwendoline Beunet

Homélie de l'administrateur diocésain, Père Denis Véjux.
Dimanche de Pâques, le 31 mars 2024.  

« Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! »

 La bonne nouvelle, la joyeuse annonce retentit en ce jour de Pâque ;            
le Christ Jésus, mort sur la croix vendredi, reposant dans le tombeau ce samedi, est sorti à jamais vivant du tombeau, victorieux de la mort et des ténèbres. Le tombeau n’a pu garder prisonnier le Maitre de la vie, Celui qui est le chemin, la vérité et la vie.                                                                       

Ce cri de joie porté par nos alleluias de Pâques est le coeur de notre foi.        
« Jésus est Seigneur ! », proclamaient les premiers chrétiens. Cette proclamation ramassée du mystère chrétien, centrée sur la mort, la résurrection de Jésus et l’envoi de l’ES pour que nous vivions de sa vie : c’est l’essentiel de l’essentiel, le noyau dur de notre foi ; c’est ce que nous ont transmis Marie Madeleine, Pierre, Jean  et tous les apôtres, témoins oculaires de Jésus ressuscité. Et c’est ce que nous devons transmettre à notre tour en vrais témoins dans la foi, du ressuscités. Le Christ n’est pas seulement mort pour nous. De nombreuses personnes sont mortes, de manière héroïque, pour leurs idéaux, pour des causes justes, pour le service du bien commun. Mais elles sont toujours et encore mortes… Jésus n’est pas seulement un homme qui s’est battu jusqu’au bout par fidélité pour ses idées, il n’est pas seulement mort pour nos péchés, en offrant à Dieu le sacrifice de sa vie.  S’il n’y avait que cela, quelle « preuve » y aurait-il que sa vie n’a pas été qu’un échec, un drame de plus dans l’histoire du monde ; en quoi sa mort nous sauverait-elle et nous ouvrirait-elle un avenir nouveau ?

 

Pour les premiers chrétiens, la Résurrection de Jésus est d’abord une « preuve » : preuve qu’il était bien le Messie attendu ; preuve que sa mort n’a pas été un raté de l’histoire qui laisserait ses disciples convaincus de s’être trompé de sauveur, d’avoir fait le mauvais choix. La Résurrection c’est la preuve que Jésus était vrai dans ses paroles, que sa vie donnée a été accueillie par Dieu. Car Dieu ne peut laisser dans la mort Celui qui a été son Serviteur obéissant et fidèle jusqu’au don total de lui-même ; Dieu ne peut laisser au tombeau son Fils bien-aimé. Pâques est bien le fondement de notre foi, dans le sens de preuve que Jésus est bien le Christ, le Fils bien-aimé du Père, qui a donné sa vie pour que nous ayons tous la vie par lui.  On ne peut pas être chrétien sans croire en la Résurrection du Christ –  et donc sans espérer la nôtre à sa suite, grâce à lui et en lui.

Cette vie nouvelle que le Christ reçoit en ressuscitant des morts est bien la vie divine, la vie bienheureuse qui n’aura pas de fin. La Résurrection n’est pas un retour à la vie terrestre ordinaire qui est la nôtre aujourd’hui. Ce n’est pas la vie terrestre qu’il reçoit à nouveau, mais une vie radicalement nouvelle, la vie même de Dieu, qui inonde son âme, son corps, tout son être. Il reste celui qu’il était auparavant, il est toujours Jésus de Nazareth, mais en même temps il est complètement changé, divinisé. Et cette puissance de vie divine qui éclate en Jésus au matin de Pâques, dans sa Résurrection, il veut nous la partager : cette vie, nous la recevons au baptême ; elle coule dans nos veines, elle irrigue notre esprit, notre intelligence, notre capacité de relation, notre puissance à aimer ; cette vie dans laquelle nous sommes plongés par le baptême, continue à grandir, à se déployer invisiblement en nous. La victoire du ressuscité de Pâques,  la victoire de l’amour sur le mal, le péché et la mort nous est offerte quand nous communions à son corps et son sang, à sa vie donnée qui renouvelle la vie, qui restaure le monde et la création toute entière.  Oui chers amis, Christ est ressuscité et nous allons nous aussi vers la Vie en marchant à sa Lumière comme le rappellera notre cierge allumé au cierge pascal tout à l’heure. Alors, soyons-en les témoins ; ne gardons pas cette lumière et cette espérance pour nous. Elle grandira en nous si nous la partageons avec les autres, si nous l’offrons à tous ceux qui autour de nous ne parviennent pas à sortir des difficultés qui les écrasent comme la pierre très grande du tombeau et qui cherchent dans la nuit la sortie du tunnel.

Le Christ vivant, ressuscité nous précède sur les chemins de l’annonce : c’est en témoignant de lui que nos yeux vont s’ouvrir de plus en plus au mystère de sa présence et de son action, pour que nous le voyons, Vivant, ressuscité avec les yeux de la foi. 

Nous sommes des portes lumière, des petites lumières appelées à vivre dans le rayonnement de la grande lumière, celle du Christ ressuscité, à jamais vivant, des témoins de la foi, des témoins du Christ, la lumière du monde. Que cette pâques renouvelle en nous la foi de notre baptême et nous aide à en être vraiment des témoins.