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22 Janvier 2023 - Saint Vincent

Fête de saint Vincent

Samedi 21 janvier 2023 à Boursault 
Dimanche 22 janvier à Chouilly 
Samedi 21 janvier à Vanault le Chatel 

Chers frères et sœurs, 

Tout le monde l’a constaté, tout le monde le dit. L’année 2022 aura été exceptionnelle pour le vignoble champenois. Aucun accident climatique grave ou tardif, pas de maladie, une sortie de grappe et une floraison idéale. Des vendanges magnifiques. Un commerce euphorique. Formidable. 

C’est dans ce climat de joie que nous sommes rassemblés pour fêter saint Vincent. Nous avons laissé Château-Thierry organiser cette année la grande « Saint-Vincent » avec l’archiconfrérie, et en beaucoup de villages, nous prenons le temps de la messe solennelle, du cortège, du Champagne d’honneur et du banquet festif. Après les privations qui ont jalonné notre vie depuis presque 3 ans, nos cœurs de vignerons sont à la fête.  

Avec modération tout de même ! Modération sur la consommation aujourd’hui, bien entendu… mais modération aussi car le contexte général n’est pas si euphorique. La guerre gronde en Europe et nous assistons impuissants devant nos écrans à des bombardements et des exactions ignobles, nous connaissons une inflation sans égale depuis des années, ce qui pénalise la vie quotidienne de beaucoup de nos concitoyens ; nous observons une très forte tension sociale, et une violence extrême. Moi-même, votre évêque, j’entends aussi les angoisses des gens et les inquiétudes des jeunes ; je suis témoin parfois d’un grand désespoir. La fête pour nous aujourd’hui, mais le monde n’est pas à la fête ! 

Notre fête patronale des vignerons n’est-elle pas une occasion de mettre, ou de remettre du sens dans ce que nous faisons, non seulement notre travail de la vigne, mais notre vie tout simplement ? On vit aujourd’hui comme des insensés, c’est-à-dire comme si la vie n’avait pas de sens, pas de but ni aucune transcendance. Chacun voit midi à sa porte, son intérêt, ses gains, son plaisir, et tout le monde dit « profitez bien ». Cette seule expression démontre par elle-même que nous devons nous recentrer sur l’essentiel.  Profiter de quoi… si c’est au détriment des autres ? ou du bien commun ? Quelle vision avons-nous de la personne humaine ? est-ce seulement une machine économique ? Attention sur ce point, le législateur envisage même l’euthanasie de nos parents ou grand-parents ou de nos grands malades, comme s’ils étaient encombrants ou trop coûteux !   

La Parole de Dieu entendue ce jour nous invite à un sursaut. Voulez-vous, frères et sœurs, le vivre avec moi ? Voulons-nous nous engager pour un monde vraiment plus beau ? Pour une vie humaine plus digne ? La tradition judéo-chrétienne, les enseignements de la Bible sont précieux, ils ont construit notre civilisation, notre culture. Le Seigneur nous demande la conversion. Cela veut dire : un vrai changement. Pas en surface, comme une couche de peinture. Il s’agit pour nous de transformer notre façon de vivre et de penser, comme le dit saint Paul dans sa lettre aux romains : « le Royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson.   Il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint ». Un vrai changement pour marcher derrière Jésus. Ce n’est pas ringard d’être chrétien. C’est vrai, l’Église peut donner parfois une image ancienne voire antique. Mais elle est forte d’une grande Tradition qui a été vécue dans toutes nos familles ici en France. N’avez-vous pas été baptisés, catéchisés ? Alors, où en êtes-vous ? Notre vocation chrétienne consiste justement à travailler le monde avec la même passion que celle que nous mettons à travailler nos vignes. « Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche », nous dit Jésus dans l’Évangile de ce jour. C’est à nous de transformer le monde pour en faire, avec la grâce de Dieu, le Royaume des Cieux, un royaume de paix et de justice, un royaume de charité et de vérité.  

Il me semble que, dans les temps qui sont les nôtres, l’urgence est à la conversion de notre liberté et de notre fraternité. 

Conversion de la liberté : nous sommes attachés à cette valeur tellement bafouée ailleurs dans le monde. Regardez en Iran par exemple ! Mais la liberté de chacun ne doit pas nuire à l’autre. Oui, il y a le libre arbitre, le fait que chacun soit capable de faire des choix et de se déterminer pour aujourd’hui et pour demain. Mais la vraie liberté n’est pas le fait de pouvoir faire tout ce qu’on veut, et peu importe pour les autres. Non, il s’agit de la noble capacité de choisir le bien. Plutôt que de se croire libre en faisant comme tout le monde parce que c’est l’opinion dominante devenue un prêt-à-penser, le chrétien est appelé à la vraie liberté des enfants de Dieu : celle de choisir, celle de répondre à son appel comme Simon et André, puis Jacques et Jean qui choisissent de tout quitter pour suivre Jésus. N’y a-t-il pas des appels à entendre aujourd’hui pour nous mobiliser et travailler ensemble à un monde qui respecte la dignité de la personne humaine jusqu’à son dernier souffle, qui valorise la famille, et qui mette en œuvre des rapports justes et équitables entre les personnes et les nations ? Au service de la paix et du bien commun. Voilà un appel que j’adresse aux vignerons de Champagne : soyez libres, non pas pour rester enfermés chacun dans l’égoïsme, mais pour aimer et donne votre vie au service des autres. 

Ceci nous conduit à la 2è conversion dont je vous parlais : la conversion de la fraternité. Tout le monde en parle, on fait des grands discours. Ce mot est aussi inscrit sur le fronton de nos mairies, à côté de la liberté. Et nous nous appelons « confrères » car nous appartenons à la même confrérie. Mais c’est bien difficile à vivre, n’est-ce pas, la fraternité ? Saint Paul nous le dit avec force : « qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie ». Je le dis souvent, la véritable fraternité à l’échelle de la société ne pourra se construire vraiment que si chacun de ses membres s’engage à la mettre en pratique là où il vit et travaille. La priorité est de se rassembler sur l’essentiel que nous donne l’Évangile. Les valeurs républicaines ne sont d’ailleurs pas autre chose que les valeurs de l’Évangile. On n’a rien inventé. On les a laïcisées en supprimant un peu facilement la place de notre Dieu, créateur et sauveur. En fait chacun est capable de les mettre en pratique, il suffit d’être de bonne volonté. Mais le chrétien, le confrère de Saint-Vincent va y ajouter le goût de l’Évangile, et donner du sens. On y revient. Donner du sens.  

Chers amis, certains vont communier au Corps du Christ donné en nourriture. Le Pain de la Vie éternelle. Ceux qui sont prêts et qui le désirent. C’est un acte de liberté et de fraternité. Les autres partageront le pain béni qui rejoint cette même démarche. Elle nous engage les uns et les autres à faire le choix de changer notre façon de vivre pour faire advenir le règne de Dieu en ce monde bien assombri par tant de ténèbres : je relis cette parole du prophète Isaïe entendue aujourd’hui : « le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée ». A nous de chasser les ténèbres de ce monde avec l’aide de Dieu, et d’y allumer la lumière, celle qui ne s’éteint pas. Elle a un nom : Jésus Seigneur ressuscité. 

Amen.