Rentrée enseignement catholique - Samedi 16 septembre 2023
Basilique Notre-Dame de L’Épine
Frères et sœurs,
Avec toute l’Église, nous célébrons aujourd’hui la fête de deux martyrs du IIIè siècle, un évêque : Cyprien de Carthage, et un pape : Corneille. En acceptant de donner leur vie pour le Christ sans renoncer à la foi de leur baptême, sans s’écarter de la doctrine des apôtres, sans se compromettre avec le monde païen de l’époque, ils ont témoigné que seule la lumière du Christ peut nous éclairer et nous tracer un chemin de vie. Pour notre communauté éducative, ce message est important. Il rejoint le cœur du « caractère propre » qui, dans le cadre de l’enseignement privé sous contrat, constitue notre colonne vertébrale. Comme pour le corps humain, c’est cette colonne qui nous permet d’être ce que nous sommes et ce que nous devons être, même si on ne va pas forcément dans le sens du vent dans tous les domaines. Le vieillard Syméon l’avait dit à Marie et Joseph lors de la présentation de Jésus au Temple : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction ».
Dans l’Évangile entendu ce jour, Jésus nous appelle, non seulement à construire notre vie personnelle ou familiale ou scolaire sur des fondations solides, mais aussi à être de bons arbres qui portent de bons fruits. Qui parmi nous voudrait que nos élèves, en sortant de l’école, du collège ou du lycée, soient devenus des médiocres, des faibles, ou, comme le disent les jeunes, des nuls ? Personne. Au contraire, nous voulons pour eux le bonheur, la maturité, la solidité, la foi. En ce début d’année, nous pouvons garder dans nos cœurs cette image employée par Jésus. Elle nous motivera dans notre travail et notre mission d’éducateurs, au cœur d’une société où les fruits sont parfois abimés, peuvent avoir un goût amer, ou ne font pas envie, tout simplement. On observe la violence sociale, les tueries entre narco-trafiquants, les insultes sur les plateaux de télévision, les dérives sociétales touchant à la personne humaine, au droit de naître et à celui d’être aimé jusqu’au dernier souffle, au respect de l’identité de chacun. Ces violences touchent même la génération des jeunes : harcèlement scolaire, discriminations, etc… Heureusement, il y aussi de bons fruits comme les grands élans de générosité et de solidarité, les témoignages courageux et les engagements généreux pour le bien commun, ces jeunes (1,5 million) rassemblés autour du pape à Lisbonne le mois dernier, les associations d’entraide, les familles qui sont le berceau de l’apprentissage social et fraternel, et nos écoles qui participent à ce bouquet d’arbres qui font tout pour porter de bons fruits.
Je vous remercie les uns et les autres pour le don de vous-mêmes dans ce cadre de l’enseignement catholique. Et en ce début d’année, je forme le vœu que nos établissements réunis forment une belle forêt d’arbres bons pour porter de bons fruits dans la vie des élèves, dans la vie des familles, dans le cœur et l’intelligence des enseignants, chez tous les membres du personnel. Je vous redis ma confiance pour déployer cette belle œuvre d’éducation, et je vous redis aussi ma vigilance parce que nous devons, comme saint Cyprien et saint Corneille, accepter avec courage d’être parfois signes de contradiction, accepter de ne pas faire comme tout le monde. C’est notre « caractère propre ». Je pense à 3 repères :
L’exemplarité : jamais on ne portera de bons fruits si on ne commence pas par montrer l’exemple. Jamais on ne pourra guider et accompagner un jeune sur le chemin de la vie, lui apprendre à se dépasser, à s’engager, à travailler, à vivre avec les autres, et aussi à témoigner de sa foi si on ne le fait pas soi-même. L’éducation se fait beaucoup par une sorte de contagion : le jeune cherche à reproduire ce qu’il voit et ce qu’il entend chez les adultes. On le dit quand un jeune parle de façon épouvantable ou se comporte d’une manière désordonnée : il ne peut pas avoir inventé cela tout seul, il répète ce qu’il a entendu à la maison, ou sur les réseaux sociaux maintenant. Eh bien, dans le sens du bien aussi : plus l’éducateur va mettre en pratique lui-même ce qu’il demande au jeune, et plus le jeune va avancer et grandir. Jésus reproche souvent aux scribes et aux pharisiens leur hypocrise : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! […] à l’extérieur, pour les gens, vous avez l’apparence d’hommes justes, mais à l’intérieur vous êtes pleins d’hypocrisie et de mal. » (Mt 23,23). Nous, éducateurs, soyons des exemples sur le chemin de la vie, de la vérité et de la foi chrétienne.
L’autorité : à bien distinguer de l’autoritarisme ou de l’attitude du petit chef qui ne parvient pas à se faire entendre et qui crie. Celui qui agit et parle avec autorité, c’est celui dont on devine la sagesse, la droiture, la loyauté, la qualité et l’intensité de l’engagement. L’autorité découle de l’exemplarité. Celui-là donne envie d’être imité, il impressionne un peu, peut-être, mais il fait grandir, il élève. Un véritable éducateur. Il nous appartient, chacun à notre place, moi comme évêque dans l’Église, vous dans les établissements, ou dans la vie de famille, d’agir et de parler avec autorité, comme on le dit de Jésus dans l’Évangile, pour nourrir vraiment le cœur et l’intelligence des jeunes, les aider à se construire, à trouver leur place dans la société, à grandir en chrétiens. Il faut du courage pour savoir dire ce qui doit être dit, pour faire ce qui doit être fait, mais nous le faisons pour le bien des jeunes, pour les faire grandir.
Enfin, la fraternité. Elle n’est pas incompatible avec l’autorité. Contrairement à des slogans ultra-libéraux en matière éducative et sociale, l’éducateur qui montre l’exemple et s’affirme comme éducateur suscite la confiance. Et la confiance se déploie en véritable fraternité, pas du copinage idiot et irresponsable, mais une belle fraternité qui permet de vivre et de construire ensemble des projets de vérité, de beauté, de dignité, de grandeur. Le père et la mère de famille qui éduquent avec autorité le font avec beaucoup d’amour. L’éducateur qui se voit confier des jeunes peut, tout en montrant l’exemple et en agissant avec autorité, les aimer de tout son coeur. S’il les aime, il les fera aller loin, toujours plus haut, et pourquoi pas vers le Ciel, à la rencontre du Seigneur. C’est en effet le cœur de notre mission : l’enseignement catholique veut et doit se maintenir dans cette ligne de la proposition de la foi, du témoignage, de la première annonce de l’Évangile. Pas de honte, ni de scrupule à avoir. C’est comme ça. Si cela nous étonne ou nous gêne, c’est peut-être que nous avons justement à nous convertir et à grandir en exemplarité.
Demandons à Notre-Dame de L’Épine d’intercéder pour nous tous, pour nos établissements afin que le beau projet de l’éducation catholique, ouvert à tous, soit un authentique chemin de vie pour tous. Les bons arbres que sont et seront nos écoles, collèges et lycées, porteront de bons fruits.
Amen.
16 sept 2023 - Rentrée de l'enseignement catholique