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Mercredi 29 novembre 2023 - Fête de Sainte Geneviève, patronne des gendarmes - Collégiale Notre-Dame de Vitry-le-François.

Fête de Sainte Geneviève, patronne des gendarmes - Collégiale Notre-Dame de Vitry-le-François - Mercredi 29 novembre 2023

Chers Frères et Sœurs,

Qu’avons-nous fait de nos talents ? Les faisons-nous fructifier ? Ou les avons-nous enfouis, pour un temps ou définitivement ? Dans cette parabole, le Seigneur Jésus nous invite vigoureusement à reconnaître ce que nous avons reçu de lui, et à porter du fruit en abondance. Sainte Geneviève elle-même a révélé de multiples talents, dans son dévouement auprès de la population, dans son ardeur à ravitailler la capitale. Elle avait confiance en Dieu, elle avait foi dans le Seigneur, elle cherchait à répondre à ses appels pour que l’Évangile soit annoncé à tous, pas seulement par des paroles, mais aussi par des actes.Dans la gendarmerie, dans la carrière militaire de façon générale, les talents de chacun sont reconnus par l’avancement, par les décorations, par les brevets techniques. L’esprit de dévouement qui conduit l’action de tous pousse chacun à déployer ses talents et à les mettre au service des autres. Il y a parfois des témoignages de satisfaction ou des citations qui présentent à tous l’exemple de tel ou tel camarade dont le comportement a été remarquable. Bravoure, courage, prise de risque, protection des plus faibles. Il n'est pas demandé à chaque gendarme de faire de grands discours sur les valeurs qui guident et soutiennent la mission. Il est requis de chacun une attitude de don de soi, de sacrifice, d’engagement qui sont à eux-seuls le plus beau et le plus parlant des témoignages. Et cela ne se trouve pas dans les galons.

Pour les chrétiens, l’apôtre saint Paul recentre la vocation de chacun sur la ressemblance avec Jésus. Dans sa lettre aux philippiens, il nous invite à avoir les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments que ceux qui sont dans le Christ Jésus. La charité n’est pas une vertu réservée aux bigotes, ni une attitude tellement exceptionnelle qu’elle ferait l’objet d’une citation à l’ordre de la compagnie ou du groupement. La charité - l’amour - est le ciment qui rassemble et qui unit, la boussole qui éclaire la vie des hommes de bonne volonté, la nourriture de tous ceux qui veulent donner leur vie. Seul l’amour reçu peut être donné. Dieu nous donne son amour en partage par la prédication de Jésus, par les miracles qu’il accomplit, et surtout par sa mort sur la croix et sa résurrection. Sainte Geneviève en a été une expression vivante, incarnée. Pourquoi pas nous ? Et nos talents, qu’en avons-nous fait ? 

Frères et sœurs gendarmes, comme tout le monde, vous observez la vie de notre humanité, vous constatez quotidiennement ses faiblesses et ses grandes fragilités. Vous êtes si souvent appelés pour mettre fin à la violence, pour rétablir la paix et l’ordre. Mais depuis des semaines et des mois, beaucoup de conversations font état d’une inquiétude générale devant des formes de violence qui pourraient, aux yeux des citoyens ordinaires – pas aux yeux des gendarmes, bien sûr ! - mettre à mal les capacités de réaction des forces de l’ordre. Non pas que nous doutions de vous, au contraire nous vous redisons notre immense gratitude et notre admiration, mais les limites du supportable semblent parfois franchies. C’est justement là que résonne dans nos cœurs et nos intelligences cette parabole des talents, et aussi l’enseignement de saint Paul, et aussi l’exemple de sainte Geneviève. Nous ne pouvons pas rester inactifs. Il nous faut repérer les talents que le Seigneur nous a confiés au jour de notre baptême, et ceux qu’il nous donne sans cesse pour le suivre et le faire connaître. Beaucoup d’entre nous sommes baptisés, n’est-ce pas ? Un certain nombre d’entre nous avons un peu mis de côté la vie du croyant, n’est-ce pas ? On n’y croit pas trop … on n’y crois plus trop, on fait comme toute monde… et alors l’essentiel de la vie passe au second plan, au rang de l’accessoire. Lorsque j’étais aumônier de gendarmerie, je rencontrais vos camarades de la compagnie de Langres et je sentais bien cette attitude prendre le dessus. Pourtant certains s’interrogeaient loyalement sur le sens de la vie, sur ce qui peut produire la force intérieure nécessaire pour donner sa vie aux autres, quitte à la donner vraiment et définitivement comme certains de vos camarades morts en service. Ma mission d’aumônier consistait à favoriser ces temps de dialogue pour aider chacun ou chacune à repérer les dons de Dieu, les talents dans sa vie, dans son cœur, et à chercher comment leur permettre de ne pas rester enfouis, cachés, comme si ce n’était pas important, mais au contraire de les dévoiler, les déployer avec confiance, avec joie et générosité. Ce sont ces talents-là qui transforment le monde, qui apaisent les tensions, qui peuvent mettre fin à la violence ? Parfois il faut la force pour faire taire la violence. Cette force est légitime, et vous en êtes les tenants, comme cela est exprimé dans la prière du gendarme. Seul le témoignage d’un engagement, seul l’exemple d’un caractère déterminé, seul le rayonnement de charité sur un visage peuvent venir éteindre l’incendie de la haine et de la violence. La douceur de l’Évangile fait parfois passer les chrétiens pour des faibles. Oui, pardonner, c’est faible aux yeux des hommes, mais c’est fort et cela guérit l’humanité blessée. Donner sa vie, c’est apparemment faible, mais le sacrifice est fort et plein d’une fécondité qui nous émerveille. 

Aujourd’hui, en célébrant la messe de la sainte Geneviève, nous offrons le pain et le vin à l’autel. Ce n’est pas grand-chose, un petit morceau de pain de rien du tout, et pourtant il porte pour nous la puissance de Dieu. Le pain et le vin nous seront donnés en communion : c’est le Corps et le Sang du Seigneur Jésus, la nourriture de la charité. Il ne s’agit pas d’un festin à en tomber malade, mais d’un festin spirituel qui nous transforme, nous fortifie, nous relève, et nous donne cette capacité qui fut celle de sainte Geneviève de témoigner pour changer les cœurs, pour changer le monde. En recevant la sainte Eucharistie en communion, notre âme s’ouvre à la lumière du Dieu vivant, elle entrevoit les talents reçus, elle discerne la façon de les faire fructifier, elle fait fuir la peur qui conduit à les enfouir et à les cacher. Que le Seigneur nous saisisse par la puissance de sa miséricorde et nous conduise sur le chemin de la vie. 

Amen.