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Dimanche 22 octobre 2023 - Solennité de saint Memmie, premier évêque de Châlons

Solennité de saint Memmie, premier évêque de Châlons -

Dimanche 22 octobre 2023


Chers frères et sœurs,

Grand jour de fête pour notre diocèse : nous voici rassemblés autour du tombeau de saint Memmie. La tradition nous dit qu’il fut l’évangélisateur de notre région, et le premier évêque de Châlons au IVè siècle. Je suis donc bien humblement son successeur dans la longue chaine de la Tradition apostolique. Bien entendu, les sources historiques ne sont pas sûrement établies, mais cette tradition et le culte déjà bien développé ici au VIè siècle nous donnent un fondement solide pour célébrer aujourd’hui cette solennité. Sa réputation de sainteté et son rayonnement sont des signes donnés à notre génération. Toute l’Église de Châlons est là avec nous, même si les Mengeots et les Mengeottes ont le privilège de veiller sur ce tombeau majestueux, dans le chœur de l’église. 

C’est une tradition ancienne, elle aussi, que de bâtir les autels et les églises sur les tombeaux des martyrs ou des fondateurs, ou à l’inverse, selon les aléas de l’Histoire, de transférer le tombeau du fondateur dans une église plus récente – c’est le cas ici. Comme à Rome autour du tombeau de l’’apôtre saint Pierre, comme à Compostelle autour du tombeau de saint Jacques, ou à Tréguier autour du tombeau de saint Yves, ou à Saint Maximin autour du tombeau de sainte Marie Madeleine, nous vénérons ici les reliques de saint Memmie comme une source missionnaire, une fontaine de vitalité chrétienne auprès de laquelle il est bon de s’arrêter pour nous abreuver. Saint Memmie apporta l’Évangile au cœur d’un monde complètement païen. Un des signes qui établirent sa réputation de missionnaire fut la résurrection du fils du gouverneur romain local, qui s’était noyé dans le Nau – t a avait-il plus d’eau qu’aujourd’hui ??!! Au nom du Seigneur, et comme Jésus dans l’Évangile – le paralysé, l’aveugle-né, la femme adultère, Lazare pourraient en témoigner chacun à leur manière s’ils étaient avec nous - il l’avait remis debout, il lui avait rendu la vie. Les textes entendus ce jour nous poussent à regarder la figure du bon pasteur dont saint Memmie a été une image. Ses 103 premiers successeurs ont essayé, le 105ème que je suis essaie chaque jour, d’en être aussi une image vivante, pour le bien de tous et pour la fécondité de la mission diocésaine. L’évêque le fait avec les prêtres, ses premiers collaborateurs, dans l’exercice du ministère qu’ils ont reçu par l’ordination. Tout en priant pour celui qui est votre évêque aujourd’hui, chacun pourra se laisser renouveler dans sa rencontre avec Jésus rendue possible par le ministère pastoral de l’évêque et des prêtres. 

Dans la relation du pasteur et des brebis du troupeau dont il a la charge, il y a la connaissance. Vous avez remarqué peut-être, comment un éleveur de moutons, un berger, connaît ses brebis une à une. Moi, je ne vois qu’un troupeau et plein de moutons tous identiques, et lui, il les voit chacune, il les distingue. C’est ainsi que le Seigneur nous connaît et que se nourrit cette relation d’amour entre Lui et chacun d’entre nous. On rappelle souvent que le Seigneur nous connaît par notre nom, les prophètes et saint Paul ont dit que Dieu les connaissait dès le ventre de leur mère. De même il existe une relation de fraternité entre le pasteur et les membres de l’Église. L’évêque n’est pas un PDG qui dirige ou un général qui commande, mais un père qui guide et qui conduit, qui éduque. Depuis presque 8 ans, j’essaie moi-même de vous connaître, de retenir vos prénoms, vos noms, afin de vous porter dans ma prière, de renouveler chaque jour le don de m vie pour vous, et de pouvoir vous appeler à une mission, vous encourager dans le service que vous rendez. Cette relation de connaissance est au cœur des textes bibliques. Elle est au cœur de notre vie ecclésiale aujourd’hui. Le synode qui se poursuit à Rome évoque justement cette fraternité, ce dialogue constant, cette écoute mutuelle qui doivent être vécus. Le synode n’a pas pour objectif de faire la révolution, mais seulement la révolution de la charité fraternelle pour que tous et chacun participent vraiment à la vie de l’Église, pour que les brebis ne soient pas des brebis bêlantes qui suivent au coup de sifflet, mais des membres à part entière qui s’engagent dans la Mission de l’Église. L’Église n’est pas une entreprise dirigée par le clergé avec les laïcs comme clients, c’est notre famille à tous. Tous nous avons reçu l’onction baptismale qui fait de nous les membres de ce corps.

Nous l’avons entendu dans le livre du prophète Ézéchiel, mais aussi dans la page de l’Évangile selon saint Jean, le Bon Pasteur est celui qui sauve la brebis perdue et qui la conduit dans les verts pâturages, nous l’avons chanté dans le psaume 22. Le bon pasteur, le vrai berger s’occupe des brebis, il veille sur elles, il les rassemble, les fait paître, il panse leurs blessures, il leur rend des forces, il les garde. Tous ces verbes nous disent quelque chose de la mission de l’évêque. A la suite de saint Memmie et de tous mes autres prédécesseurs, je suis là pour rassembler, pour soigner, pour faire vivre. Dans l’Évangile, à chaque page, nous voyons Jésus qui guérit, qui relève, qui pardonne les péchés et qui envoie. C’est bien le cœur du message chrétien auquel nous sommes si attachés : par son sacrifice sur la croix, Jésus est le Grand Prêtre éternel qui nous offre le pardon des péchés, la victoire, sur toute souffrance et sur la mort. Les puissances du mal sont terrassées par la Croix de Jésus, par la puissance d’amour qui en émane. L’évêque et le prêtre ne sont pas Jésus, mais ils en sont les intendants, les ministres. Recourir au ministère sacerdotal, c’est recourir à Jésus qui nous sanctifie ; tous, moi le premier, nous avons besoin du pardon de nos péchés pour avancer et grandir dans la foi. Tous, moi le premier, nous portons des blessures dans l’ordre de la charité fraternelle, dans la vie familiale, dans les relations humaines. Que c’est difficile de s’aimer les uns les autres, de se respecter vraiment, de se parler avec charité même s’il faut dire une vérité un peu dure à avaler… Le bon pasteur que fut Memmie ici nous laisse ce trésor de la miséricorde, de la bonté de Dieu dont nous devons d’abord vivre pour pouvoir en témoigner.

Enfin, l’apôtre saint Paul le dit avec force dans sa lettre aux corinthiens, en parlant de l’évangélisation. Non seulement c’est quelque chose qui s’impose à lui, mais encore, je cite : « je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée ». Nous ne sommes que des serviteurs, les uns et les autres. Bien sûr, nous faisons des choses pour l’Église, pour la paroisse, pour le diocèse. Mais ce n’est pas une activité humaine, temporelle. Nous n’avons pas d’abord à organiser plein d’activités, à planifier, mais à disposer nos cœurs pour accueillir la grâce du Seigneur afin que ce soit toujours lui, Jésus, qui parle, agisse, pardonne à travers nous. Nous n’avons aucun mérite, ni moi ni vous, mais nous avons été appelés, chacun, pour la mission qui est la nôtre. Nous n’en sommes pas propriétaires, ni détenteurs à jamais. Tout cela peut changer selon le bon vouloir de Dieu. L’essentiel est de rester dans la main de Dieu et de ne surtout pas prendre sa place. 

Demandons au bon pasteur marnais saint Memmie son intercession et sa protection, accueillons le Saint-Esprit qui vient changer nos cœurs et nous renouveler dans notre élan missionnaire. Prions les uns pour les autres. Prions pour les prêtres qui servent leurs frères et sœurs pour les conduire à Jésus. Merci de prier pour votre évêque, successeur de saint Memmie - sans oublier Mgr Gilbert Louis, mon prédécesseur immédiat - afin que je réponde toujours avec joie aux appels du Seigneur et sois moi aussi, bien au-delà de ses limites personnelles, un bon pasteur nous manifestant la bonté de Dieu. 

Amen.