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6 avril 2023 - La sainte Cène

Sainte Cène - Jeudi-Saint 
Jeudi 6 avril 2022 

Chers frères et sœurs, 

La célébration de la Sainte Cène du Seigneur nous fait entrer dans le grand mystère de la Passion. Pendant ces trois jours saints, nous accompagnons le Seigneur Jésus qui offre sa vie pour le salut du monde. Cette offrande libre est l’acte d’amour suprême, la preuve plénière, entière et éternelle de l’amour que Dieu nous porte. Au cours du repas de la Pâque qu’il mange avec ses disciples, il annonce sa mort qui interviendra le lendemain sur la Croix. Et il nous donne aussi le signe sacré de l’Eucharistie par laquelle son offrande vivifiante demeure actuelle dans les siècles du temps de l’Église. Nous accueillons avec foi ce grand mystère qui est le cœur de notre foi. Oui, Jésus a donné sa vie une fois pour toutes. Et oui, Jésus continue de nous la donner en nourriture afin que nous puissions vivre de son amour et de sa grâce et être ses témoins dans le monde d’aujourd’hui qui a tellement faim et soif d’amour et de miséricorde. 

Les textes de la Sainte Écriture que nous venons d’entendre nous permettent d’approfondir la façon dont nous vivons de ce mystère. Ils nous aident à comprendre la continuité du plan de Dieu, sa cohérence, son unité profonde. Ils nous invitent à rechercher cette même cohérence et cette unité de vie. Baptisés, nous sommes devenus enfants de Dieu et frères et sœurs de Jésus, appelés à lui ressembler par toute notre vie. Pour avancer sur le chemin de la Vie, nous bénéficions de sa grâce à laquelle il nous faut apporter notre contribution libre et généreuse. En effet, on ne peut se laisser vivre comme si, par miracle, les grâce surnaturelles suffiraient à nous maintenir dans la communion avec Lui. Notre réponse est un élément constitutif de notre vie de disciple, comme le fut la réponse des hommes que Jésus appela au bord du lac et qui quittèrent tout pour le suivre.  

J’ai souvent entendu cette réflexion depuis plus de 30 ans : « oh vous savez, mon père, je suis croyant mais pas pratiquant », comme si pratiquer se limitait à venir à la messe le dimanche et à se confesser une fois par an. Souvent, je m’apercevais que ces personnes pratiquaient les belles vertus chrétiennes et évangéliques de la charité, de la bienveillance, du pardon, et étaient très généreuses dans le don d’elles-mêmes pour les autres. Parallèlement, combien de fois ai-je rencontré des personnes qui me disaient : « oh vous savez, mon père, je suis très pratiquant ». Et je pouvais me rendre compte qu’en dehors de la messe du Dimanche, elles n’avaient aucun engagement, ou si peu, au service des autres qui leur permette de devenir leur prochain. Que de contrastes.  

Ce soir, le Seigneur nous fait contempler et comprendre à quel point tout est lié.  

Non seulement il prend le pain et nous le donne comme son corps, nourriture pour la vie éternelle, il prend le vin et nous le donne comme son sang, boisson pour la vie éternelle, mais aussi il lave les pieds de ses disciples. 

Non seulement il est le Seigneur devant lequel nous nous mettons à genoux pour l’adorer et contempler sa sainteté, comme le font nos sœurs bénédictines ici chaque jour. Mais aussi, c’est lui-même qui se met à genoux devant ses disciples afin de leur laver les pieds.  

Non seulement nous célébrons ce mémorial comme il fut déjà prescrit aux hébreux sortant d’Égypte, et comme il est prescrit aux chrétiens pour chaque Dimanche. Mais aussi, nous voulons mettre notre vie au service des autres.  

L’action liturgique de ce soir n’est pas du théâtre, un mime, ou du cinéma. Elle nous permet d’être avec Jésus, vraiment, et de partager son dernier repas, celui de la Pâque. Elle nous permet de nous faire laver les pieds par celui qui est « le Maître et le Seigneur ». En plus du sacrement de l’Ordre par lequel le Seigneur a voulu perpétuer son action de rédemption, nous recevons dans cette célébration d’une part le sacrement de la sainte Eucharistie comme nourriture et d’autre part ce que certains auteurs spirituels ou théologiens appellent « le sacrement du frère ». Nous nous mettons à genoux devant le Corps et le Sang du Seigneur, pain et vin consacrés. Nous nous mettons à genoux aussi devant nos frères pour les servir. Servir Dieu et servir le prochain. Aimer Dieu et aimer le prochain. Voici les deux commandements de l’Évangile qui sont comme nos deux jambes pour marcher ou nos deux poumons pour respirer. 

Alors chers frères et sœurs, tant l’évêque que le prêtre que le diacre, tant les sœurs adoratrices que chacun et chacune d’entre vous, nous ouvrons notre cœur pour accueillir ce grand mystère et y entrer. Voici le jour, voici l’heure où le Seigneur, pas son offrande, accomplit les Écritures et donne à la promesse de Dieu toute sa consistance. Il nous invite à sa table sainte et nous envoie servir nos frères. Il nous invite à pratiquer et à mettre en pratique. Que le mystère pascal nous transforme et nous renouvelle en vérité.  

Disciples du Seigneur par le Baptême, et nourris de l’Eucharistie, nous sommes envoyés comme témoins et missionnaires. Le trésor que nous recevons ne peut être gardé de façon égoïste. Il est à partager par notre charité active, notre bonté, notre générosité, notre joie. Dieu se donne à travers nous. Plus nous donnons notre vie, plus le Seigneur vient toucher les cœurs et y déposer ce trésor de son amour infini. « Ubi caritas et amor, Deus ibi est = Où sont amour et charité, Dieu est présent ».  

Par une vie toujours plus eucharistique, soyons ensemble les envoyés du Seigneur qui vont sur les places chercher les estropiés les pauvres, les malades, et tous ceux qui sont loin de Dieu, loin de la source de vie. Ils sont invités eux aussi à la table du Seigneur, au repas des noces de l’Agneau.                                                 

Amen.